« Il n’y a pas de secret »

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« Le metteur en scène doit se laisser guider dès le départ par ce que j’ai appelé un « obscur pressentiment », c’est-à-dire une certaine intuition, puissante mais vague, qui indique la silhouette première, la source à partir de laquelle la pièce lui parle. Ce qu’il a besoin de développer le plus dans son travail, c’est un sens de l’écoute. Jour après jour, tout en intervenant, en commettant des erreurs ou en regardant ce qui se passe à la surface, il doit écouter à l’intérieur, écouter les mouvements secrets du processus caché. C’est au nom de cette écoute qu’il sera constamment insatisfait, qu’il continuera à accepter et à rejeter jusqu’à ce que tout à coup son oreille intérieure entende le son qu’elle espérait, et que son œil voie la forme qui attendait pour apparaître. Pourtant à la surface toutes les étapes doivent être concrètes, rationnelles – les questions de visibilité, de cadence, de clarté, d’articulation d’énergie, de musicalité, de variété, de rythme, tout cela a besoin d’être observé d’un façon strictement pratique et professionnelle. Le travail et le travail d’un artisan,  il n’y a pas de place pour la fausse mystification, pour les méthodes magiques contrefaites. Voilà le guide. C’est ce qui fait qu’un processus constamment changeant n’est pas un processus de confusion mais un processus de croissance. C’est la clé. C’est le secret. Comme vous le constatez, il n’y a pas de secret. » Peter Brook _ p240, in « Points de suspension », Le Seuil 1992 (The Shifting Point, 1987)